Récit: « Le gagnant »

mlarge-spermatozoide

Un petit récit, très très court pour le concours « quiqui »

 

Le gagnant

Que de monde autour de moi et nous sommes tous sur le départ.
Des dizaines de milliers de coureurs, des millions même…

— Prêt, partez.

C’est la course folle à qui arrivera le premier car il n’y a qu’une seule place et il faut jouer des coudes.

— Bouge-toi de là, je dois passer.
— Ouste, du vent, du balai : c’est ma vie que je joue.

Et vlan, un croche-pied !
Et paf, un coup de queue …

Nous jouons donc des coudes, même si nous n’en possédons pas et nous avançons à la vitesse de l’éclair, telle une flèche lancée à travers un arc, qui ne sait pas où elle va, à part aller droit devant elle.

Nous étions donc plusieurs centaines de millions au départ.
Nous voici quelques milliers à atteindre le premier couloir.

Mais rien ne peut m’arrêter : je sais pertinemment que j’arriverai le premier.

Le milieu devient plus acide : je dois absolument quitter ce merdier.
Mes forces diminuent, je me sens décliner.

Sortons notre bouclier et continuons.

Flûte, ça bouge dans tous les sens maintenant..

Je jette un bref coup d’œil derrière moi : les poursuivants s’essoufflent au fur et à mesure du temps qui s’écoule.

J’en ai mal au cœur .
Pas grave, je m’accroche à mon rêve et je continue…

Je vous passe les détails car je serai encore là dans huit heures à tout vous expliquer.
L’important est que j’arrive le premier au but final.

Voici le monstre : personne n’est derrière moi et je fonce.
Mon Dieu, comme il est grand et comme je suis minuscule mais qu’importe, je suis le gagnant de la course.

Je perce la paroi et du coup, j’en perds ma queue au passage.
Je peux enfin me reposer …

J’ai gagné !!!

Mais qu’ai-je gagné  au fait ?

*************************************************

—  Chéri, regarde, viens voir …
—  Quoi ? Tu l’es ? Ou pas ?
—  Oui, oui, je … suis … enceinte ! Je suis enceinte …

L’affaire Tina

 

 

L’affaire Tina 

15 mai 2014 – 07 heures
Roger fut tiré de son sommeil par une sonnerie stridente. Il se mit à maudire son réveil avant de se rendre compte que c’est son portable qui émettait cette tonalité agaçante.
Encore un vol ou un mort sans doute, un de plus cette semaine.
Ce n’était pas encore demain qu’il pourrait s’octroyer quelques jours de congés amplement mérités.
Le temps d’enfiler en vitesse une tenue décente et le voilà arrivé sur les lieux.
La victime, Madame Christina de Cardona dite Tina, une dame d’une quarantaine d’années, gisait sur le sol, le corps disloqué par une chute de quinze étages.
Un suicide tout simplement apparemment: rien qui n’indiquait des traces de lutte ou de violence quelconques.
Le médecin légiste établit l’heure de la mort qui remontait à une demi heure à peine.
Le visage de la femme, quoique tuméfié, reflétait une expression de tristesse, de dépression manifeste. Comme par hasard, les voisins n’avaient rien vu, rien entendu.
De toute façon, la victime vivait seule, séparée de son époux depuis 2 mois.
Elle n’avait sans doute pas accepté la situation et avait décidé de mettre fin à ses jours.
Une affaire qui serait vite classée, songea-il en contournant le cadavre.
Mais bon, c’était une mort violente et le corps serait autopsié.

15 mai 2014 – 07 heures 45
Un rapide coup d’œil dans le luxueux appartement le conforta dans ses premières conclusions.
Le sol était jonché de linge sale, d’ordures diverses. Par contre, peu de reliefs de nourriture.
Juste un bac de crème glacée fondue, à peine entamé.
Le combiné réfrigérateur-congélateur ne renfermait d’ailleurs que des pots de glace.
A croire que la victime ne s’en nourrissait exclusivement.
Un régime très étrange se dit-il mais quel rapport avec ce suicide?
Il n’en voyait aucun a priori. Cependant, il décida de faire analyser le contenu du bac entamé par le laboratoire scientifique qui travaille pour les forces de l’ordre.
Dans la salle de bain, l’armoire à pharmacie ne révéla rien de spécial: pas d’anxiolytiques ni d’antidépresseurs. Un tube d’aspirine, des pansements, des cotons tige et une boîte vide qui aurait contenu une prescription magistrale de vitamines.

15 mai 2014 – 9 heures 30
Roger songea à quitter les lieux quand arriva un petit homme trapu, légèrement chauve mais complètement insignifiant: Monsieur Antonio Adato.
C’est le veuf paraît-il qui revenait de Rome où il était parti pour voyage d’affaires. Il n’avait pas l’air attristé mais à quoi bon s’en étonner: le couple était séparé et plus aucun sentiment ne les unissait.
Marié sous le régime de la communauté des biens, le mari allait hériter cependant de ce magnifique penthouse acquis durant leur mariage.
C’était Madame de Cardona qui avait apporté la totalité de la somme et donc, si c’était un meurtre, son époux en serait le principal suspect.
Étant en plein ciel, dans le vol Rome-Bruxelles à l’heure du décès, il bénéficiait du plus parfait alibi qui était.

19 mai 2014 – 14 heures
Roger était en train de compulser un catalogue quand on frappa à la porte de son bureau. Une jeune fille gracile, aux longs cheveux blonds, se tenait devant lui, l’air déterminé.
— Mademoiselle, vous désirez?
— Je viens vous parler de ma tante Tina, Christina de Cardona qui se serait suicidée hier matin. C’est impossible. Je la connais: jamais elle ne ferait une telle chose.
— Pourtant, il s’agit bien d’un suicide. Nous n’avons décelé aucune marque d’agression. La victime était seule dans son appartement à cette heure. Vu l’état pitoyable des lieux, elle se laissait dépérir et sa chute n’a été que l’issue malheureuse mais justifiée de sa dépression.
— Mon oncle l’a tuée: j’en suis persuadée.
— C’est impossible, il se trouvait dans un avion à cette heure. De plus, il n’a plus vu sa femme depuis deux mois. Le couple ne vivait plus ensemble et jamais les voisins n’ont assisté à des querelles de ménage du temps de leur union. Ce serait un divorce à l’amiable d’après leur notaire. L’autopsie n’a rien révélé et j’avais pensé à faire analyser la crème glacée qu’elle avait mangé avant sa chute mais les résultats se sont avérés négatifs également.
— Saviez-vous que mon oncle avait de gros problèmes d’argent?
— Non, je l’ignorais. Quel genre de soucis?
— Il a investi dans des affaires peu sûres, des placements hasardeux et la ruine le guette d’un jour à l’autre.
— Il n’empêche que nous n’avons absolument aucune preuve contre lui et il a un parfait alibi comme je vous l’ai dit précédemment.
— Creusez, fouillez, fouinez partout mais que diable, il faut le coincer. Je vous le reprécise: ma tante n’a jamais été dépressive et nous en avions discuté ensemble: elle était heureuse de mettre un terme à son mariage. Pour information, c’est elle qui a demandé le divorce.
— Ah bon, cela change tout. Je vais reprendre le dossier et tenter de trouver une faille, une preuve qui nous permettrait d’y voir plus clair. Merci Mademoiselle pour votre visite et surtout pour vos informations. Je vous tiendrai au courant de la suite apportée à l’enquête. Tenez, voici ma carte de visite au cas où vous auriez des renseignements complémentaires à me fournir.
— Merci et à très bientôt j’espère.

21 mai 2014 – 10 heures
Roger avait épluché toutes les pièces de l’affaire et il ne trouvait rien. Mais absolument rien.
Il espérait juste que si Monsieur Adato avait quelque chose à se reprocher, il commettrait une faute, une toute petite faute qui permettrait de le coffrer.
Mais laquelle? Devant ce vide et cette absence totale de preuves, l’attente lui semblait bien trop longue.
Dommage que l’analyse de la crème glacée n’ait rien donné de probant, un « ice crime » aurait été amusant. Non finalement pas drôle du tout, ce jeu de mots.
Roger n’avait pas vraiment le cœur à rire. Et comme l’affaire avait été bouclée, il se voyait mal la rouvrir juste pour un pressentiment d’une nièce.
Quoique… Il aurait bien fait analyser le compte bancaire d’Antonio, demander un relevé détaillé de ses appels téléphoniques.
Le corps de Tina, autopsié, venait d’être rendu à son mari pour inhumation et l’enquête était close.
Roger était en train de réfléchir à cette sordide histoire quand il fut appelé en urgence pour un meurtre sauvage dans une pharmacie du quartier.
L’apothicaire, un certain Monsieur Nestor Vimart, venait d’être découvert assassiné au fond de son officine, le crâne fracassé. Enfin, là c’était un vrai crime à se mettre sous la dent.
Roger se promit de revenir au cas de Christina de Cardona ultérieurement.

21 mai 2014 – 10 heures 30
Nestor Vimart baignait dans son sang et curieusement aucune trace d’effraction.
Il connaissait certainement son meurtrier et lui avait ouvert la porte sans aucune crainte.
L’équipe scientifique était sur place déjà pour effectuer le relevé d’empreintes mais dans un commerce, ce n’était pas ce qui manquait.
L’enquête risquait d’être difficile. Le mobile du crime ne semblait pas être le vol: certes l’armoire aux stupéfiants avait été brisée, comme si on avait dérobé des produits mais le pharmacien avait inventorié le matin même le contenu et l’assassin l’ignorait.
Et manque de pot, rien ne manquait. C’était juste une façon détournée de brouiller les pistes.
Pourquoi donc assassiner un homme sans histoire? Connu de tous dans le quartier, c’était une personne affable, bien à sa place, sans problème apparent.
Après ses humanités au collège Saint-Baptiste, il avait suivi de brillantes études de pharmacie. Il ne s’était jamais marié: sa seule passion était son officine.
Roger en avait marre des enquêtes sans issue: après le suicide de Tina, le meurtre de Nestor…
Pourtant il lui fallait creuser dans le passé de ce brave Monsieur Vimart pour essayer d’y trouver un indice… Commencer par où? Commencer par quand?

23 mai 2014 – 13 heures 30
Roger avait décidé de se plonger à fond dans cette enquête. Il ne savait pas pourquoi c’était important mais il avait l’intime conviction qu’il allait découvrir des faits intéressants.
Le collège Saint-Baptiste pas plus que la faculté de pharmacie n’avaient rien donné.
Élève studieux, Nestor était un étudiant irréprochable. A l’armée, ce fut un milicien effacé, dont personne ne se souvenait. Cette perfection commençait même à irriter Roger qui n’arrivait pas à dénicher un défaut dans le rouage. Il était songeur, en train de relire ses notes quand on frappa à la porte de son bureau.

— Entrez.
— Bonjour Monsieur. Docteur François Ledent. Je viens vous trouver car je travaille à l’hôpital psychiatre de la Venelle et nous venons de remarquer une anomalie dans un médicament que nous avons acheté chez Monsieur Vimart, le pharmacien assassiné il y a quatre jours. Il y a environ deux mois, nous lui avons commandé de la méthamphétamine. Vous allez me rétorquer, c’est de la drogue. Mais la méthamphétamine peut être associée à un usage thérapeutique occasionnel dans le traitement de la narcolepsie et du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Or, comme il n’y avait pas de changement avec la prise de ce traitement, nous l’avons fait analyser et en fait, Monsieur Vimart nous a fourni un placebo. Dans quel but, nous n’en savons rien comme nous ignorons ce qu’est devenue la méthamphétamine qui se trouvait dans son officine vu que nous n’avons rien reçu.

Roger n’en croyait pas ses yeux: l’élément qui manquait lui était offert sur un plateau.
Monsieur Vimart, aussi affable et droit qu’il paraissait, avait commis une faute professionnelle mais dans quel but?
— Pouvez vous me dire ce que la méthamphétamine procure comme effet?
— Sentiment de confiance, de puissance, d’euphorie. C’est une drogue extrêmement puissante et dont le sevrage doit être surveillé étroitement. Mais ici, dans notre clinique, nous savons doser forcément son usage.
— Merci: je vais acter cela de suite et vous avez sans doute permis à notre enquête d’avancer.

23 mai 2014 – 14 heures 00

Roger n’était pas remis de ses émotions quand Alexandra, la fameuse nièce de Tina se pointa dans son bureau. Il ne manquait plus qu’elle: non, il n’avait pas avancé d’un poil de mollet de fourmi dans cette affaire. Non, il n’avait rien solutionné.
— Bonjour , je ne vous dérange pas?
— Non, pas vraiment sauf que j’en suis toujours au point mort.
— Vous m’avez l’air préoccupé pour l’instant. Un autre crime sans doute?
— Oui, mais je ne vois pas en quoi cela pourrait vous être utile que je vous en parle. Ici, ça n’arrête pas, les vols, les meurtres…
Alexandra, un peu curieuse, essayait de lire à l’envers, le nom inscrit sur le dossier et eut un mouvement de recul.
Roger la vit pâlir soudainement.
— Que vous arrive-t-il mademoiselle?
— Il est arrivé quelque chose à Monsieur Vimart?
— Vous le connaissez?
— C’est le pharmacien de la rue Vidoq. Ne me dites pas qu’il est mort?
— Non seulement mort mais assassiné.
— Je dis ça parce que c’était le pharmacien de ma tante.
— Comme c’était le pharmacien de centaines de personnes vous savez…
— Oui mais avant, et depuis des années, elle allait chez Bodol. Elle n’a changé de pharmacie que fin de l’année passée, à la demande d’Antonio et je n’ai jamais compris pourquoi.
— Et vous pensez que c’est important?
— Je ne sais pas. Ce sont toujours mes pressentiments qui me guident et je me trompe rarement.
— Je tâcherai d’en tenir compte dans mes recherches. Vous avez peut-être mis le doigt sur un fait qui m’a paru insignifiant. Je n’oublie pas votre tante, juste que pour l’instant, comme vous avez pu le constater, je suis sur un autre dossier. Au revoir Mademoiselle.
— Au revoir Monsieur et n’oubliez pas: quand j’ai une intuition, c’est qu’il y a souvent une raison.

23 mai 2014 – 15 heures 30
Roger relut ses notes: celle de la visite du médecin, celles d’Alexandra. Et resta songeur.
Il y avait certainement quelque chose d’essentiel qui lui échappait mais quoi?
Si les affaires étaient liées comme le sous-entendait Alexandra?
Il prit son téléphone et sonna au centre où était affecté Nestor lors de son service militaire
— Bonjour, Inspecteur Roger Deltour, Brigade judiciaire de Liège
Une petite question: Nestor Vimart a effectué son service militaire en 1992 chez vous mais par contre est-ce que la même année, vous avez eu un certain Antonio Adato ?
— Non, nous sommes désolés.
— Ce n’est pas grave, je vais continuer mes recherches ailleurs. Bonne journée et encore merci.

Pas découragé pour un sou, il recommence la même démarche au collège Saint-Baptiste.
— Bonjour, Inspecteur Roger Deltour, Brigade judiciaire de Liège.
Une petite question: Nestor Vimart était élève chez vous jusqu’en 1997 mais par contre est-ce qu’un certain Antonio Adato a fréquenté également votre établissement ?
— Antonio Adato: oh oui, d’ailleurs il a été renvoyé pour vol. C’est étrange que vous me dites cela car au départ, nous avions accusé injustement le petit Nestor Vimart et Antonio est venu se dénoncer, sachant pourtant qu’il serait exclu.
— Merci Madame, vous venez, je pense, de m’aider à résoudre un double meurtre.

Roger passa encore un coup de fil à la clinique psychiatrique.
— Docteur François Ledent s’il vous plait.
— C’est lui-même.
— Bonjour, Inspecteur Roger Deltour, Brigade judiciaire de Liège.
Vous êtes passé dans mon bureau il y a deux heures pour une histoire de méthamphétamine. Vous m’avez signalé que le sevrage devait être surveillé étroitement. Puis-je savoir pourquoi?
— La personne peut être sujette à des hallucinations, faire une dépression ou pire avoir des pensées suicidaires.
— Parfait: c’est ce que je voulais entendre. Bonne journée et encore merci.

*******

Antonio fut arrêté sur le champ et ne tarda pas à passer aux aveux.
Nestor qui avait commis le vol au collège lui était redevable d’une dette d’honneur.
Il a fourni des placebos à la clinique psychiatrique et a conservé la méthamphétamine qu’il a placée dans les gélules vitaminées de Tina.
Prises à fortes doses, la pauvre femme s’est retrouvée en manque et on connaît la suite.
Seulement, l’erreur qu’Antonio a commise est de se débarrasser d’un complice gênant: son condisciple Nestor. Sans cela, qui sait, il n’aurait jamais été inquiété.
Roger repensa à l’analyse de la crème glacée et son jeu de mot bidon « ice crime »
Pas si bidon que ça comme jeu de mots en fait car une des autres appellations de la méthamphétamine n’est autre que « ice ».
Mais également le prénom de la victime – curieux mais triste hasard – Tina, autre dénomination de cette drogue meurtrière !
C’était bien au final un ice crime !

Trois petits monstres et puis s’en vont

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Il est des désirs qu’on ne peut assouvir, parce qu’excessifs, fantasques. Il en est d’autres, tout à fait cohérents et réalisables, mais dont les aléas tortueux de l’existence vous ôtent tout espoir d’accomplissement. Et ça commence à vous grattouiller, par-ci, par-là, juste une simple démangeaison cérébrale. Mais les espérances déçues ne vous laissent aucun répit. De démangeaison en obsession dévastatrice, il n’y a qu’un pas.

Clémentine Dutilleul, son obsession, sa passion, c’est la vie. Oh non, pas le train-train quotidien « métro, boulot, dodo » qu’on subit comme un automate. Non, la vie, avec un grand « V ». Celle qu’on crée au-delà de soi, en s’oubliant. Et cette passion, Clémentine la vit intensément nuit et jour, jour et nuit.

Elle cligna des paupières : ses yeux, bouffis d’insomnie chronique, s’entrouvrirent avec difficulté. Sophie, Charlotte et Julien gazouillaient dans leur parc, jouant à « tire-toison », inconscients que leurs gros chagrins nocturnes avaient transformé leur maman en zombie.

Des triplés, pourquoi avoir conçu des triplés ? Clémentine soupira profondément et se souvint.

Le traitement hormonal qu’elle avait dû suivre comportait quelques risques et surtout une éventualité de taille : une grossesse multiple. Clémentine avait toujours rêvé de jumeaux et la seule pensée d’en avoir la comblait de joie avant l’heure. Mais des triplés…

Quand le gynécologue, avec toute la psychologie et la diplomatie qu’il avait purgées au fond de lui-même, lui avait annoncé que l’échographie révélait la présence de trois embryons, elle avait bien sous-estimé les conséquences diaboliques de cet état de fait.

Mais passion pour passion, elle désirait mettre au monde une partie d’elle-même. Elle voulait accoucher de la Vie, quelles qu’en fussent les retombées.

Soudain, elle sortit de sa torpeur en entendant un miaulement effroyable.

Un de ses pauvres félins devait sûrement contempler sa queue passée sous un « peton compresseur ». Ce n’était point un chat.

C’était tout simplement Charlotte qui subissait les sévices particulièrement sadiques de Sophie, sa sœur. Cette dernière ne déméritait pas en portant un pareil prénom, mais l’héroïne de la Comtesse de Ségur était un véritable ange de douceur quand on connaissait cette petite peste. Son imagination débordante n‘avait aucune limite et son comportement démoniaque s’exerçait à merveille sur les deux colocataires du parc.

Elle avait tout inventé et continuait à innover des tortures sans limites : il y avait notamment le « décapsule-oreille » et l’« aspire-narine ».

Mais celle qui la faisait glousser de plaisir consistait à coincer la longue chevelure de Charlotte dans la fermeture éclair de son frère. D’où cet horrible cri de chat enragé qui venait de percer les oreilles de sa maman. Clémentine soupira à nouveau en dégageant péniblement la crinière emmêlée dans les griffes de métal. Et pourtant, sans ces trois petits bouts, sa vie ne serait qu’un océan dépeuplé, un désert sans la moindre oasis, une terre stérile après une explosion nucléaire. Un monde sans âme, peuplé d’automates.

Soudain, elle songea que l’heure de gaver ses trois petits goinfres s’annonçait.

Taghetti… taghetti… Quelle horreur, catastrophe de catastrophe !
— Non, mes chérubins, réfuta Clémentine, surtout pas de spaghettis. 
Plus de spaghettis aux tomates. Elle se rappela cette douloureuse expérience qui lui fit haïr la gastronomie italienne à jamais. Des pâtes, elle en avait retrouvé derrière le réfrigérateur, sur la porte du micro-ondes.
Mais cela, ce n’était rien quand elle repensa qu’elle avait aussi dû braver tous les dangers : Pégase, le plus glouton de ses félins s’était hasardé au pied de la table. Seul un triple shampooing avait eu raison de la coloration maison et de la permanente suisse (emmenthal collé et séché oblige) sur sa fourrure immaculée.
Elle songea que Sophie (encore elle, évidemment !) avait peut-être déjà trouvé sa vocation de coiffeuse en herbe.

Souvenirs mis à part, il lui fallait encore rassasier ses trois petits monstres. Mais que choisir au menu ?

— Potée aux carottes, songea-t-elle tout haut.
Non, c’est collant et Pégase risque de connaître encore les joies du bain. Comme pour les « les pâtes aux tomates ». À éviter.

Petits pois et carottes ? J’en connais une qui s’amusera à « pois qui roule » avec les chats.

Voyons, voyons. Haricots princesses, pommes de terre nature et tranche de gigot d’agneau.

Cela doit être parfait : il n’y a rien de poisseux, de gluant, ni de roulant.

Clémentine, en effet, s’en sortit sans trop de mal et se félicita de ce choix plutôt judicieux.
Bien sûr, Julien avait transformé ses légumes en bouillie infâme, les triturant, les malaxant comme de la terre glaise. Un mixeur eût été moins efficace !

Charlotte avait fait la moue de ses beaux jours devant sa tranche de viande et Sophie avait refusé obstinément d’avaler le moindre morceau de pomme de terre, jouant à tracer des rails dans la purée.

Le repas se déroula sans trop de problèmes, si ce n’est que Julien renversa la cruche d’eau sur la nappe.

Et qu’en voulant ramasser sa cuillère, Sophie s’était désespérément accrochée à son assiette, laquelle avait suivi la direction de la cuillère. 

Profitant de la confusion qui régnait à table, Pégase, qui n’était pas en reste, se rua sur le gigot.

Zorba, « gentlecat cambrioleur » et surtout voleur comme son demi-frère de chat, le poursuivit afin de lui ravir ce goûteux trésor.

Il s’ensuivit une course effrénée à travers toute la cuisine, en passant par l’évier, la table où se trouvaient encore debout les verres et la carafe d’eau que Clémentine avait de nouveau remplie.

L’ensemble fut projeté sur le sol, où gisaient déjà la cuillère et l’assiette de Sophie.

Tout s’était donc très bien déroulé.

— Journée beaucoup trop calme, marmonna Clémentine, beaucoup trop calme.

Elle profita de l’opportunité que lui offrait la sieste bienfaitrice de l’après-midi pour redonner à la cuisine un aspect moins dévasté. Et peut-être aussi pour souffler, respirer, arrêter le temps. Pour oublier ce qu’est le chiffre « trois ».

Pour se dire aussi qu’elle aurait pu se passionner pour d’autres choses, comme des poupées parlantes, qu’on anime avec un remontoir. Il eût été tellement plus facile de s’enthousiasmer pour des objets sans vie, des automates qui ne réclament rien.

Mais qui ne donnent rien non plus. Point d’amour, de tendresse, de câlins.

Clémentine jeta un coup d’œil à la pendule de la cuisine : c’était l’heure de la sortie de l’après-midi. Sortie est bien un petit mot.

Extraire du couloir la triple poussette relève de l’exploit après une bataille rangée avec la porte de l’ascenseur.

Mais se balader avec trois petites fouines curieuses de tout, désirant tout découvrir, tout toucher, malgré leur jeune âge et leurs jambes encore malhabiles, zigzaguant dans tous les sens et chutant à chaque pavé, vous plonge en pleine démence.

Surtout, que le nez à peine dehors, elle entendit une petite voix plaintive :

— Tafigué, maman, dodo.

Le temps de coucher Julien dans le « dortoir-poussette », un hurlement de bête blessée retentit derrière elle.

Charlotte venait d’effectuer un vol plané magistral et se frottait la jambe, l’inondant d’un torrent de larmes.

Pendant que Clémentine déposait un gros bisou sur le genou endolori, un seul coup d’œil sur le côté évita la catastrophe. Sophie était en train de glisser ses petites menottes à travers le treillis de la propriété voisine que gardait un très peu sympathique molosse.

Un plongeon en avant pour récupérer l’inconsciente et une autre plainte surgit des taillis avoisinants.

Julien, trouvant le temps long, avait fui sa couchette et, apprenti explorateur, s’était dirigé vers un mûrier.

Surpris par les épines du buisson, il sursauta et culbuta dans un massif d’orties.

Clémentine estima qu’il était vraiment temps de rentrer quand elle aperçut Sophie accomplissant la dernière bêtise de l’après-midi. Du moins, elle l’espérait vivement.
Ce petit ange, qui ne manque ni d’intelligence ni d’esprit d’observation, s’était dirigé vers le mûrier et se délectait de ces petites baies si délicieuses.

Malgré sa malice, Sophie a un cœur d’or et Charlotte reçut en cadeau une poignée de ces beaux fruits noirs. Ce que Clémentine trouva moins délicieux, c’était l’état des deux robes blanches des fillettes.

Il était temps de rebrousser chemin. La petite parade du cirque Dutilleul regagna ses pénates : tout qui les voyait passer, s’arrêtait net, ébahi devant un tel spectacle.

Dans le char d’assaut, véritable tank révolutionnaire et futuriste, initialement prévu en poussette, siégeaient trois masses vidées, complètement épuisées. Clémentine n’y prenait même plus garde : elle y était habituée depuis plus de vingt mois et tout ce qui comptait, c’était de rentrer au plus vite.

Elle réfléchit un instant et constata qu’elle n’aurait même pas le temps de souffler avant la rentrée de son mari. Vu la propreté vestimentaire et corporelle des loupiots, les bains et la lessive la conduiraient jusqu’à dix-sept heures trente.

Le bain des trois petits monstres ne dénota pas du restant de la journée : hauts en couleur, mousse et flaques d’eau. 

Ce fut une partie de fou rire et Clémentine se retrouva les quatre fers en l’air dans la baignoire, trempée jusqu’aux os.

Mais quand elle entendit le bruit de la clé dans la porte, les chérubins étaient lavés, changés, coiffés et elle avait juste eu le temps d’enfiler un peignoir.

Pierre entra distraitement dans la pièce et renversa quasiment son épouse. Il se rua vers le trio infernal pour les embrasser, déposant au passage un paquet sur le guéridon.

Et ne remarquant pas que sa femme ressemblait plus à un oiseau sinistré d’une marée noire qu’à une maîtresse de maison impeccable, il lui montra le colis en question.

— Clémentine, regarde ce que je viens d’acheter : un nouvel appareil photographique. Celui-ci est un vrai automate : il fonctionne tout seul et de manière intelligente.

Rappelle-toi, notre ancien, un modèle basique, s’était enrayé avec le sable des dernières vacances. Installe-toi sur le divan avec les petits, histoire de fixer leur sagesse sur la pellicule.

Ils sont vraiment adorables, de véritables anges. Comment peux-tu être si épuisée quand je rentre ? 

Et il appuya sur le déclencheur.

* * * * * * *

– Madame Clémentine Dutilleul ?
Clémentine sortit brusquement de sa torpeur et regarda son gynécologue, comme éblouie par les flashes d’un groupe de photographes japonais.

– Madame Clémentine Dutilleul, voilà enfin le grand jour.
Nous allons enfin voir combien de bébés squattent votre ventre. Avez-vous pris une cassette vidéo pour l’échographie ?
Et Clémentine sut à cet instant, et peu importait le verdict de l’imagerie, qu’elle irait jusqu’au bout de sa passion.

 

Simon contre l’acné

J’ai retrouvé, au grenier, une rédaction de ma fille aînée, écrite en janvier 2012 – elle avait 12 ans
Elle avait pas mal d’imagination, même si parfois elle l’exprimait assez maladroitement, du haut de ses 12 ans.
J’ai entièrement retravaillé son texte, les fautes de langage de tous genres
(je mettrai  le texte initial à la fin)
Mais l’histoire en tant qu’histoire est restée (j’ai juste modifié  ou supprimé certaines incohérences et arrangé la fin qui était un peu trop bâclée à  mon goût)

Simon demeure dans un tout petit village, qui ne se trouve pas sur la plupart des cartes, un véritable trou perdu, au milieu de la France profonde. Simon, âgé de onze ans, vit avec Shana, sa sœur aînée et son père Georges. Sa mère est morte hélas, en le mettant au monde.
Ils pourraient couler des jours heureux si les gens étaient aussi droits et braves qu’eux. Mais il ne faut pas demander de miracle : la race humaine est peuplée de personnes dénuées de toute gentillesse. Pour preuve, Shana souffre énormément en classe avec ses camarades de lycée qui la raillent quotidiennement. Ils se moquent d’elle à cause des problèmes de peau. On la surnomme « Clavier d’ordinateur », car elle est couverte de boutons, très gros et très rouges.
Alors, elle pleure, présentant des pensées noires au point d’en devenir dépressive. Son père décide de consulter un médecin. Le spécialiste décrète que si dans huit ans elle n’est pas guérie, elle risque d’exploser. Rien de moins !
Simon adore sa sœur et remuerait ciel et terre pour qu’elle soit plus heureuse qu’actuellement. Or, un jour, en classe, en cours de français, le professeur lance un sujet assez bizarre…
— Madame, j’ai entendu parler de l’herbe magique ; elle peut exaucer un souhait. Où peut-on la trouver ? demande curieusement Anna, une camarade de Simon.
— Et bien, ma chère enfant, l’histoire de l’herbe magique remonte à longtemps déjà, mais vous ne voudrez sûrement pas que je vous retrace cette légende, répond ironiquement l’institutrice.
— Si, racontez-nous ! crient en chœur ses élèves.
— Et bien, il y a des siècles, bien avant que les arcs-en-ciel n’existent,  à l’époque des gnomes, trolls, fées et autres créatures fantastiques, poussait une plante surnaturelle. On la connaissait mieux sous le nom d’Herbe aux Souhaits. En effet, elle pouvait exaucer un vœu qui changerait notre vie bien entendu. Cette plante se développait dans la « Forêt Interdite », située au sud de notre pays. On entendait dire qu’une fois que les personnes arrivaient dans les bois, elles ne parvenaient plus à en sortir, car tous les chemins les ramenaient au centre de la forêt.
Seuls le courage et une âme angélique pouvaient les aider à progresser.
Donc, après des mois, des années passées à marcher, tourner en rond, les plus valeureux, mais surtout les plus purs, atteignaient le bout de la forêt, mais grosse déception : un rempart énorme, d’une dizaine de mètres de haut, les empêchait de s’engager plus loin.

Au pied de ce rempart, vivait un nain, le gardien du mur. Il posait une question qui permettait ou non de dépasser cet obstacle. Soit, les personnes réussissaient à répondre et franchissaient le barrage, soit elles étaient condamnées à errer dans les bois jusqu’à la fin de leur vie.
Mais l’Herbe aux Souhaits poussait tout en haut d’une falaise, dans le jardin de la fée des chênes. Pour y accéder, il fallait encore trouver l’échelle magique, invisible aux yeux de la plupart des gens, uniquement apparente à ceux qui possédaient une âme pure.

Simon rentre chez lui, avec l’histoire en tête. Il se dit qu’il pourrait sauver sa sœur comme ça : souhaiter de combattre l’acné. Déterminé à aider sa frangine, il dresse une liste… Voyons, il s’y rendra à vélo, donc surtout ne pas oublier la pompe et des rustines. Il se saisit d’un sac en bandoulière où il y dépose du pain, une gourde remplie d’eau, un peu d’argent. Il ignore encore que sa quête lui prendra plus de temps que prévu. Pour se rassurer, il y glisse également trois photos de sa mère, sa sœur et son père.

Il roule, il pédale malgré le soleil qui lui tape sur le crâne. Il a oublié d’emporter une casquette. Tant pis, c’est trop tard. Sous la canicule, il transpire, mais il doit continuer. Le bonheur de Shana en dépend !
Curieusement, les provisions dans sa besace ne diminuent pas : chaque fois qu’il mange un bout de pain ou boit un coup d’eau, les aliments se régénèrent. Il pourrait s’en étonner, mais il circule dans une région magique où ne règne aucune logique.
C’est ainsi qu’après plusieurs semaines de route, il arrive enfin à la forêt interdite. Plusieurs semaines, pense-t-il, mais cela pourrait être plusieurs mois ou années : il a perdu toute notion du temps en fait. Il se rappelle juste que seule une âme pure peut ressortir de cette forêt. Il songe uniquement à son objectif et entre donc dans les bois.

À sa vue, les arbres se dressent tout en hauteur, cherchant à rejoindre le ciel, mais se rapprochent les uns des autres. Les lieux sont si sombres que Simon n’y distingue pas le bout de son nez. Il finit par percuter un gros tronc et son vélo se brise en deux. Ce ne sont ni la pompe ni les rustines qui vont pouvoir le réparer. Plus d’autres solutions que de continuer à pied.

Un jour, alors qu’il commence à perdre tout espoir, il perçoit un curieux bruit, une sorte de grognement… Qu’est-ce que c’est ? Un ours ? Un loup ? Il n’en sait rien, il court, il détale et tombe nez à nez avec une jeune fille qui semble égarée également.

— Bonjour, n’aie pas peur. Je ne suis pas un méchant monsieur traînant dans les bois à la recherche de demoiselles à violer.
Regarde-moi : je pense avoir ton âge. Je me présente : je m’appelle Simon et j’ai onze ans.
Non, j’avais onze ans, mais c’était quand ? Il y a des mois, des années ?

— À vue de nez, tu dois être âgé actuellement de quinze ou seize ans, comme moi.
Si tu traînes dans cette forêt depuis aussi longtemps que moi, je crois que tu recherches également l’Herbe aux Souhaits.
Si tu veux, on cheminera ensemble, on se sentira moins seul…
À propos, je me prénomme Lucy et je souffre de gudirose, une maladie incurable qui attaque mes yeux.
Si je ne découvre pas cette plante, je deviendrai aveugle à coup sûr dès que j’atteindrai l’âge adulte, peut-être même avant, car je pressens déjà que ma vue commence à baisser.
Lucy est une adolescente tout à fait ravissante et Simon se sent troublé en la regardant. Mais l’heure n’est pas à s’étendre sur ses émois amoureux.
Ils décident de poursuivre leur périple ensemble et après une très longue marche, ils arrivent à la muraille. Ils cherchent une entrée, mais l’enceinte ne présente non seulement aucune porte, mais également aucune aspérité qui leur permettrait de grimper. Soudain, une voix nasillarde les interpelle. Ils aperçoivent un personnage ridiculement petit et surtout très très laid.
— Bonjour intrus, je suis le nain du rempart et je m’appelle Rikiki. Si tu te trompes en répondant à ma question, ton amie et toi, vous pouvez commander la morgue, leur lance le nabot.
— Je trouverai la solution, rétorque Simon avec confiance.
— Très bien, très bien… Écoutez alors, car je ne le répéterai pas. Je suis un instrument, on ne me voit pas, on ne me touche pas, mais on m’entend. Qui suis-je ? marmonne le nain en pouffant de rire.
— Heu… Ma sœur me parlait souvent de ma maman, elle adorait la musique… Mais je ne percute pas…
— La voix ! hurle Lucy, coupant la parole à son camarade.
— C’est… c’est exact ! Félicitations, vous pouvez passer.
Rikiki s’avance près de l’enceinte et frotte un chiffon sur la paroi. Le rempart s’enfonce en terre pour ne plus laisser la place qu’à un muret et que nos deux compères enjambent sans trop se poser de questions. Et l’aventure continue… Ils doivent encore trouver le repère de la fée des chênes.
Lucy et Simon se sont de plus en plus rapprochés depuis le début de leur voyage commun. Il est devenu amoureux de Lucy, au visage de poupée, l’ange tombé du ciel. Elle s’est éprise de ce jeune homme candide et droit.
Cachés derrière un énorme tronc, Simon devine des barreaux transversaux et lumineux.
— Regarde ! C’est l’échelle enchantée ! Elle est magique ! articule Simon, assez impressionné.
Mais Lucy ne distingue rien. Son cœur pur devrait pourtant l’apercevoir, mais sa vue décline de plus en plus.
— Où ça ? S’interroge-t-elle.
Simon comprend immédiatement : il doit guider son ami, l’aider à gravir les marches. Difficilement, Lucy monte et grimpe encore, mais elle a un peu peur, car, elle croit progresser dans le vide, dans le noir absolu. Il la protège, derrière elle, pour la rattraper si jamais elle tombait.
Une fois au-dessus de l’échelle, il distingue la maison en question. Il frappe à la porte et une fée en sort. Logique : il n’aurait rien compris s’il avait croisé une méchante sorcière.
Simon raconte directement leur périple et surtout ce qui les a poussés à traverser toutes ces épreuves. Il lui confie comment Lucy fait battre son cœur. Et que même si elle restait aveugle, il la chérira toute sa vie.
La fée l’écoute, émue, les larmes aux yeux. Elle se penche vers le sol et coupe deux brins d’herbe. Simon glisse le premier dans sa besace et frotte les paupières de sa compagne avec le second qui recouvre la vue quasi immédiatement.
Le retour n’est pas aussi long que l’aller. En effet, Simon est sur un commutateur géant qui rebondit comme un ressort. Lucy se blottit derrière lui et le serre très fort. Il est aux anges : il va non seulement rapporter l’herbe miraculeuse à sa sœur, mais il revient au pays avec son unique raison de vivre désormais : Lucy.
Le bouton saute très haut et en quelques semaines, ils arrivent chez eux. Mais quasi huit années se sont écoulées et quand il retrouve Shana, elle a triplé de volume. Sa peau est tendue comme celle d’un tambour, diaphane et fragilisée d’avoir été trop étirée.
Simon plonge le brin dans une tasse d’eau bouillante et incite sa sœur à en boire le contenu, le plus vite possible. Les boutons de Shana s’enfoncent dans la masse qui elle-même fond, comme aspirée de l’intérieur. Elle est magnifique maintenant, aussi belle que Lucy, sa future belle-sœur.
Simon choisit sa frangine comme témoin à son mariage et Lucy opte pour son grand frère et ce qui devait arriver, advient : les témoins eurent un coup de foudre au premier regard et le curé unit les deux couples dans la foulée.

HAPPY END

Texte initial

Simon contre l’acné

Simon vit dans un petit village, qui n’est pas sur la plupart des cartes, un véritable trou perdu. 
Simon a 11 ans. 
Sa mère est morte lorsqu’il avait 4 ans.
Il vit avec sa sœur de 15 ans, Shana et son père Georges.
Au collège, les filles de la classe de Shana se moquent d’elle.
On l’appelle «Clavier d’ordinateur », car elle a beaucoup de boutons, très gros et rouges. 
Alors elle pleure ; elle a des pensées noires. 
Elle devient dépressive et en tombe malade. 
Le docteur dit que si dans 8 ans elle n’est pas guérie, elle risque d’exploser.
Simon adore sa sœur et ferait n’importe quoi pour elle.
En classe, en cours de français, un sujet assez bizarre est lancé…

Mlle , j’ai entendu parler de l’herbe magique; elle a le pouvoir d’exaucer 1 souhait. 
Où peut-on la trouver ? Demande curieusement Anna , une amie de Simon

Et bien ma chère enfant, l’histoire de l’herbe magique remonte à longtemps déjà, c’est une légende, mais vous ne voudrez sûrement pas l’entendre. Répond ironiquement l’institutrice 

SIIIIIIIII , racontez nous !! Crient en cœur ses élèves.

Et bien il y’a bien longtemps, avant que les arcs-en-ciel n’existent, au temps où les gnomes , les trolls les fées et d’autres créatures féériques , existait une herbe magique. 
On la connaissait mieux sous le nom d’Herbe aux Souhaits , car elle avait le pouvoir d’exaucer un souhait , un souhait qui pourrait changer notre vie bien entendu. 
On trouve cette herbe dans la « Forêt Interdite », qui est au sud de notre pays. 
On entend dire qu’une fois arrivé dans la forêt , plus moyen d’en sortir.
Tous les chemins nous ramènent au centre de la forêt. 
Seul notre courage et une âme pure peuvent en sortir. 
Une fois de l’autre côté de la forêt , un rempart énorme est devant nous.
Une fois que l’on a escaladé le rempart de plus de 30 mètres de haut , se trouve un nain , qui vous posera la question.
Si on réussit , on passe.
Si on échoue, c’est la mort. 

Après, il faut trouver l’échelle magique , une échelle invisible à nos yeux , mais visible avec une âme pure. 
Une fois qu’on a monté l’échelle , la maison de la fée y est. 
C’est à elle qu’on demande l’Herbe au Souhaits …

Simon rentre chez lui , avec l’histoire en tête.
Il se dit qu’il pourrait sauver sa sœur comme ça , faire le souhait de combattre l’acné. 

Décidé d’aider sa sœur , il fait une liste :

 

  • Vélo
  • Pompe à vélo 
  • Du pain
  • De l’eau
  • Un GPS
  • Son GSM chargé à fond 
  • Et un truc « Duracel » pour plus d’heures de batterie
  • Et 20 €

Et le reste qui est nécessaire pour un long voyage. 
Mais il prend aussi une photo de famille avec lui , sa mère , sa sœur et son papa.
Il va dans le garage, il prend son vélo , programme son GPS et c’est parti pour son voyage.
Il fait chaud, il transpire , mais il faut continuer.

Après plusieurs jours de route, voire même des mois , il arrive enfin à la forêt interdite.
Il se rappelle que seule une âme pure peut en ressortir.

Simon pense seulement à sa sœur, et entre dans la forêt.
La forêt est si sombre qu’on ne voit même plus le bout de notre nez .
Il fait tellement noir qu’il percute tous les arbres de la forêt. 

Puis il entend un bruit , un grognement …
Qu’est-ce que c’était ? Un ours ? Un loup ? 
Il n’en sait rien , il court et finit par sortir de la forêt…

Il fait la rencontre d’une fille, Lucy.
Elle a 12 ans. 
Elle cherche aussi l’Herbe Magique : elle a un problème de santé assez grave , qui pourrait lui ôter la vie à tout moment, mais son refus de l’échec l’aide à continuer.
Ils font connaissance et ils deviennent très bon amis 

Après des jours de marche, ils arrivent au rempart.
Simon le sait ! 
Ce n’était pas une simple légende.
Mais personne ne sortant de la forêt pour en parler, on ne peut donc pas affirmer l’existence de ce monde féerique.

Lorsqu’il arrive au rempart avec Lucy à ses côtés toujours, il lève la tête.
Le rempart ne fait absolument pas 30 mètres, mais plus tôt 30 cm. 
Ca doit être dur pour le nain qui est devant Simon.

-Bonjour intrus, je suis le nain du rempart
Je m’appelle Rikiki.
Si tu réponds faux à ma question, toi et ton amie, vous pouvez appeler la morgue. Dit le nain rikiki 

– Je répondrai juste. Répond Simon avec confiance.

– Très bien …
Je suis un instrument, on ne me voit pas , on ne me touche pas , mais on m’entend. 
Qui suis-je ? Répond le nain en pouffant de rire.

-Heu .. Ma sœur me parlait souvent de ma maman, elle adorait la musique … Mais je ne vois …

– La voix ! Répond Lucy avec confiance, en coupant la parole à son camarade.

– C’est, c’est juste ! 
Félicitation, je vous laisse passer.

Et l’aventure continue …

Lucy et Simon deviennent meilleur amis, mais Simon est tombé amoureux de Lucy , qui a un visage de poupée, un ange tombé du ciel.

Simon voit l’échelle enchantée, ou magique si vous préférez.
La nuit retombe.
Cela fait 3 ans qu’il est parti. 

il a 14 ans , Lucy 15. 
Et Shana 17, il faut faire vite.

-Regarde ! C’est l’échelle magique ! Elle est magique ! Dit Simon impressionné 

Mais Lucy ne voit pas l’échelle qui est invisible..

-Où ça ? Répondit Lucy 

Simon comprend, il faut guider Lucy.

Difficilement Lucy grimpe sur l’échelle.
Elle a un peu peur car elle grimpe dans le vide pour elle.
Mais Simon est derrière, pour la rattraper si elle tombait.
Une fois au dessus de l’échelle, il voit la maison de la fée. 
La maison est d’une beauté à en couper le souffle. 
Il frappe à la porte et une fée sort de la maison.
Simon raconte l’histoire à la fée ….
Il lui dit comment il a rencontré Lucy, qui fait battre son cœur. 
Elle a les larmes aux yeux.
Elle donne alors l’antidote aux deux adolescents. 

Le retour n’est pas aussi long que l’aller. 
En effet, Simon est sur un bouton géant qui rebondit avec Lucy qui est derrière lui et qui le serre fort. 
Simon est aux anges. 
Le bouton saute très haut et en quelques semaines, ils sont chez eux. 

Oui, car Simon a invité Lucy à rester. 
Ils se sont même fiancés. 

Cela fait 7 ans qu’ils sont partis après tout. 
Shana était toujours pleine de boutons. 
Simon lui fait une soupe avec l’herbe dedans. 
Les boutons de Shana se sont enfoncés dans sa peau, des cris de douleur atroce .. 
Mais Shana est belle maintenant, aussi belle que Lucy, sa future belle sœur. 

Le mariage a lieu le jour de la rencontre des deux adultes. 
Un mariage de conte de fées. 

Ils auront une fille, Sophie , le prénom de la maman de Simon
Tout est bien qui finit bien…

 

Une bien étrange nuit

Une bien étrange nuit …

Angel, complètement hagarde, ignore où elle va; elle court à en perdre haleine. Chaque pas est brûlure acidifiante.
Elle sent ses poumons se calciner à petit feu et ses côtes se rétracter. Elle progresse au-delà de la douleur qui la transperce de part en part.

Ses amies attendent, inconscientes du danger. Il faut absolument qu’elle arrive à temps, avant que les douze coups de minuit n’aient raison de leur avenir incertain, manipulé par cette soirée du trente et un octobre.
« La Nuit des morts-vivants »: elle a dû renoncer à sa sortie cinéma Halloween entre filles.
Un malheureux contre-temps, c’est ce qu’elle leur avait prétendu. Son ventre gargouille : elle meurt de faim.
Un peu de patience voyons, Angel, ton repas t’attend!
Pourtant, rien n’est normal aujourd’hui : il lui faut atteindre le cinoche absolument avant la fin de la séance. Elle se doit de les cueillir à la sortie.
C’est, se dit-elle, une question de vie ou de mort.

Elle décide d’emprunter un raccourci en longeant la plage, espérant gagner un temps précieux.
Le soleil, tel un potiron pourri aux yeux injectés de feu, se couche sur l’océan rougeâtre. Angel entreprend de traverser péniblement la ville désertée. Pas une âme, pas un soupir…
Juste le noir profond et enveloppant de cette nuit automnale lui brouille la vue.
Une fine bruine lui glace le corps. Sa blouse poisseuse de boue lui colle à la peau, tel un cataplasme momifiant.

Un vent sinistre, hurlant à la mort fait claquer les volets d’où se détachent d’immenses toiles d’araignées qui viennent adhérer sa peau telle une robe baveuse et dégoulinante.
Une nuée de chauves-souris fonce sur elle afin de lui percer les yeux mais une d’entre elles se prend les ailes dans ses cheveux.
Est-ce son cerveau qui se vide de sa substance ou sa vue privée de repères, de perspective mais elle manque de trébucher contre une pierre tombale qui se désagrège.
Angel, enfin ce qu’il en reste, parvient à leur échapper. Elle continue donc sa progression tant bien que mal.
Le macadam en fusion, s’agglutinant sous ses pieds décharnés, rend son avancée périlleuse.

Elle aperçoit un félin émacié, gisant, dépossédé de ses entrailles.
N’ayant pas de sac, elle en ramasse la dépouille encore chaude : ça pourra servir, songe-t-elle…

Elle s’empare de l’appareil photo qu’elle a conservé – on se demande bien pourquoi – pour fixer la scène macabre. L’éclair de son flash enflamme une boutique toute proche.
Le feu se propage du coup à la ville entière qui s’embrase, rues après rues. L’odeur âcre de chats et de chiens grillés du refuge voisin l’empêche de respirer.

Ses amies, évacuées d’urgence du cinéma en cendres, patientent devant, paniquées, inconscientes de l’avenir sordide qui les attend.

— Waow, Angel, quel déguisement… Comme tu es blanche: tu as vu un fantôme?

Pour les remercier de leur sollicitude, Angel se pare de la peau de chat qu’elle avait précieusement conservée et se change alors en loup garou.
Et puis, elle les dévore toutes, l’une après l’autre …