
Voici un lipogramme sans o qui reprend le conte du petit chaperon rouge !
La difficulté consiste à éviter les O dans ce texte.
L’horreur donc avec des « chaperon », « rouge », « loup », « pot », « bois », « forêt », …
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C’est le récit de Madeline, une petite fille âgée de dix ans. Elle vit paisiblement à la campagne, dans un village un peu perdu, quelque part au centre d’un pays imaginaire.
Madeline, chacun le clame, c’est la plus belle, la plus gentille, la plus serviable de l’entité, c’est sûr et nul ne le niera.
Sa maman en est si fière, et sa grand-mère aussi. Il n’y a même pas un an, sa mamy lui fit faire, par une illustre artiste, une petite capeline rubis, qui lui seyait tellement que plus aucun habitant ne l’appela Madeline mais bien Rubiline.
Et ça lui est resté et chacun l’affirme : cela lui va admirablement, nettement mieux que Madeline.
Un matin, un lundi exactement, sa mère, qui avait cuit dans la matinée des galettes, lui dit :
— Peux-tu aller rendre visite à ta mère-grand, ma chère maman, car il parait qu’elle est malade depuis une semaine, et tu lui amèneras de ma part une galette et ce petit beurrier.
Elle est si âgée, si vieille qu’elle ne peut plus se déplacer chez l’épicier, la pauvre.
De plus, elle est devenue presque aveugle et ne parvient plus à quitter sa chambre sans danger.
Viens, mets ta capeline sur tes épaules, je vais t’aider à l’enfiler.
Il te faut bien la fermer devant, en tirant sur la fermeture éclair jusqu’en haut car quand tu rentreras, il fera sûrement nuit et tu risques de sentir le gel sur tes bras dénudés.
Viens que je t’embrasse, ma chérie…
Prends garde aux étrangers, ne t’arrête pas, ne leur parle pas, tu sais, ils peuvent être dangereux en ces temps incertains. Je te demande vraiment d’être prudente, je suis très inquiète de te laisser partir seule mais il me faut rester ici, je ne puis faire autrement.
Rubiline s’en va sans attendre, directement chez sa mère-grand, qui habite dans un autre village.
Elle sautille en chemin, chantant à qui désirait l’entendre : « C’est la mère Michel qui a perdu sa chatte », « Il était un petit navire », … afin de se rassurer, de ne pas pleurer, car elle a peur, seule, sans amie à qui parler. Elle aurait pu emmener un walkman de chez elle, elle n’y a pas pensé en quittant sa chambre, tant pis, elle s’en passera…
Elle traverse des prairies désertiques, des clairières sinistres, quand elle distingue une bête étrange, qui lui semble directement sympathique.
Une espèce de grand chien sauvage, aux yeux bleu clair, lumineux, presque translucides.
Il parait bien gentil et remue la queue en plus : avec lui, elle se sentira en sécurité…
Ce canidé qui n’a rien d’un ange, a une seule idée : manger car il crève de faim et une petite gamine au dîner lui semble un cadeau inespéré.
Mais il y a des travailleurs dans la sapinière : très peu discret se dit-il, il vaut mieux attendre et échafauder un traquenard sans prendre de risques.
—Salut ma charmante enfant, tu es vraiment très belle avec ta petite capeline vermeille. Tu te balades?
Ses babines baveuses hument la peau parfumée du futur repas qu’il guette ardemment.
Il essaie de se retenir afin de ne pas lui sauter dessus sans attendre, et tente de dissimuler ses envies meurtrières.
La petite Rubiline, ne sait pas ce qu’il pense vraiment, pas plus qu’il est très dangereux de parler avec un étranger. Sa mère l’avait mise en garde avant de partir mais elle n’avait pas entendu.
—Je vais visiter ma mère-grand, et lui amener une galette avec un beurrier que ma mère lui expédie, lui dit-elle.
— Demeure-t-elle par ici ? lui demande-t-il
— Pas vraiment, c’est à dix minutes à pied mais c’est un lieu reculé, un peu perdu dans la nature et j’ai peur de m’y rendre seule. Je suis pressée, je ne vais pas traîner car la nuit ne va pas tarder, murmure-t-elle en s’excusant.
— Bien, bien, acquiesce-t-il, un petit jeu, ça te dit ? Je vais aller par ce chemin-ci, et tu iras par ce chemin-là, et le premier arrivé gagnera.
Il se met à cavaler par le chemin qui n’est pas le plus rapide, mais il a des grandes pattes qui lui permettent de fendre l’air.
Et la petite fille s’en va par l’autre chemin, ne sachant pas qu’elle se fait berner par les capacités de cet ami qu’elle vient de se faire. Elle traîne, pensant être largement dans les temps, s’amusant à cueillir des baies, des mûres, à essayer d’attraper les libellules qui dansent dans le ciel, à cueillir des fleurs par ci, par là…
Entre-temps, le méchant animal ne tarde pas à arriver devant la bâtisse de la mère-grand.
Il passe discrètement la barrière du jardin, traverse l’allée qui le mène au bâtiment, et frappe sur le carreau encrassé.
— Mère-grand, susurre-t-il en prenant un timbre délicat d’enfant, c’est ta petite-fille, J’ai dans un panier, une galette et un beurrier et de la crème également. Dépêche s’il te plaît, je me les gèle, le vent me glace le visage.
La mère-grand est alitée du fait qu’elle se sentait un peu mal et ne peut se lever.
— Tire la chevillette, lui crie-t-elle, la targette cherra.
Il tire la chevillette, et peut entrer.
La vieille dame n’a pas le temps de se défendre qu’elle est avalée sur le champ.
Cette exécrable bête enfile une chemise de nuit, un fichu sur la tête, masquant le pelage qui caractérise sa race. Il a ainsi une apparence quasi humaine et il se glisse dans le lit en tirant sur lui le drap afin de masquer ce qui aurait pu le trahir.
Et il attend que Rubiline rapplique, salivant en pensant au succulent festin qui arrive et qu’il va déguster en tant que dessert.
Il entend les petits pas de la gamine crissant sur le gravier et se tient prêt, se marrant déjà à l’avance qu’il la bernera telle une bleue.
— Salut mère-grand, c’est Rubiline. Je peux entrer ? J’ai une galette et un beurrier que maman t’a préparés.
— Tire la chevillette, lui crie le cannibale, la targette cherra.
Et Rubiline entre et s’avance vers le lit.
— Mets la galette et le beurrier sur la table, et viens te réchauffer dans le lit.
Rubiline se déshabille, et va se placer dans le lit, elle est un peu stupéfaite et remarque que sa mamy a bien changé depuis quelques temps.
— Avance, je n’entends plus très bien.
— Mais mère-grand, que tu as de grands … euh … appendices auriculaires. Je reprends un terme spécifique que m’a appris l’instituteur hier en classe !
— C’est afin de mieux t’entendre, petite Liline et c’est vrai, tu m’as l’air très instruite.
— Ma mère-grand, que tu as de grands bras !
— C’est afin de mieux t’embrasser, ma petite-fille.
— Ma mère-grand, que tu as de grandes jambes !
— C’est afin de mieux cavaler, ma chérie.
— Ma mère-grand, que tu as de grands yeux !
— C’est afin de mieux te regarder, ma puce.
— Ma mère-grand, que tu as de grandes dents !
— C’est afin de mieux te manger, hahaha
Et en disant ces phrases, cette méchante bête se jette sur la petite Rubiline, et l’avale d’un seul trait.
Il quitte la demeure sans aucun regret, le ventre plein, rassasié, heureux du festin de prince qu’il vient de se faire.
Il se mariera et aura plein d’enfants… Ce n’est pas la fin adéquate ?
C’est quand même la … FIN